Rouget

Installation : Associations de l’objet usuel et de sa forme abstraite

Objets inanimés, avez-vous donc une âme ?

A l’atelier, Luc a lancé une gageure. Il va nous proposer un thème et nous devrons le décliner dans nos spécialités : sculpture, modelage, dessin.

J’attends avec impatience quel thème sera choisi, ce sont toujours des défis qui font avancer. La théière !!! Quel sujet pour un sculpteur ! J’avoue que je n’ai aucune idée originale, à part copier une théière. Mais ce n’est pas le but. Alors comment s’y prendre pour créer quelque chose de nouveau ?

Luc m’ indique des pistes : décliner le thème sur des jeux de mots ; Thé hier, T hier .. Cela ne m’inspire pas plus. Il me demande alors de constituer un cahier composé de formes et couleurs que je dois découper dans tous types de revues et les coller. Des formes qui me parlent mais qui n’ont peut être rien à voir avec le thème. C’est l’étape de la recherche.

Mon cahier est rempli, mais je n’ai pas plus avancé sur ce que je vais faire. Je passe à l’étape suivante : travailler sur une boule de terre et laisser l’ imagination et les mains faire leur chemin. Là je commence à modeler des formes assez abstraites, des formes que je n’avais encore jamais réalisées en sculpture. Je finis par m’arrêter sur une forme qui pourrait faire penser à une théière.

C’est parti je la reporte sur du béton cellulaire dans un format plus grand. Ce béton cellulaire je l’enduit de plâtre. Luc me demande alors de lui donner une personnalité et de lui mettre de la couleur. Moi la couleur ce n’est pas mon truc ! Je cherche donc quelles couleurs employer. Pour pas me tromper je prends la voie la plus sure : rouge et noir.

Maintenant quel type de peinture je vais appliquer ? Toujours de bon conseil, Luc me dit de me lancer dans la tempéra. Alors, je m’y mets, j’achète tous les ingrédients (oeuf, miel, gomme arabique, eau déminéralisée, pigments). Chantal m’apprend comment réaliser l’émulsion. Et je recouvre la théière d’une superbe couleur rouge légèrement brillante. Après séchage, je dessine de fines arabesques en noir. L’effet final me plait bien.

Mais le hic, c’est que personne ne voit dans cette réalisation une théière. C’est beaucoup trop abstrait ! J’ai donc laissé cette pièce de côté et je suis passée à autre chose.

Un soir, lors d’une conférence sur les clés pour comprendre l’art contemporain, j’ai remarqué sur le bord d’un piano une vieille bouilloire rouge bordée d’un liseré noir. Ça a été le déclic, je ne voyais que cette bouilloire et je ne suivais plus du tout la conférence qui se déroulait ce soir là. J’avais enfin trouvé comment présenter ma fameuse théière ! Il me suffisait de mettre l’objet utilitaire et l’objet abstrait côte à côte pour que l’oil du spectateur puisse aller de l’un à l’autre et trouver des similitudes.

Je n’ai pas pu avoir cette bouilloire ce soir là ! Par contre j’ai mis à contribution ma famille et mes amis pour me trouver dans des brocantes des objets utilitaires rouge et noir. Dès que j’ai eu les premiers objets : pot à lait, cafetière, théière, j’ai fais la démarche inverse. J’ai regardé l’objet et je lui ai associé une forme abstraite. C’était magique !

Mon installation a été présentée sur plusieurs salons, chaque fois les spectateurs sont surpris et ne comprennent pas toujours la démarche. Si je suis présente je donne alors des explications et ils repartent contents d’être entrés dans un univers un peu hermétique.